Du 5 au 7 octobre 2016, la semaine dernière, j’ai participé à un bootcamp des organisations américaine Ashoka Changemakers et American Express dans le but de connecter, d’inspirer et de renforcer les compétences de 20 entrepreneurs sociaux issus de 7 pays d’Afrique : Cameroun, Bénin, Cote d’ivoire, Sénégal, Gabon, Burkina Faso et Mali . Ce bootcamp est la suite d’une série de cinq autres qui se sont déroulés à travers le monde : Toronto, Mexico, NewYork, Nairobi. A Dakar, j’ai donc fait des rencontres surprenantes avec des entrepreneur(e)s au profil étonnant et très intéressant. J’aimerais néanmoins, marquer un coup d’arrêt sur un profil, celui de Ken Aicha Sy et à travers elle celui d’une organisation: WAKH’ART !
Au départ, une rencontre singulière…
Au départ, rien ne présageait un quelconque lien entre moi et cette entrepreneure sociale. Déjà lorsque je consultais la partie du programme présentant la biographie des entrepreneurs, je vis le nom Ken Aicha Sy. Je fus étonné puis intrigué de découvrir qu’il y avait des japonaises ou du moins des japo-sénégalaise à ce bootcamp. En poursuivant, mon regard fut encore interpellé par sa photo : on y retrouvait un regard lointain, profond et éloquent. C’était la seule photo parmi les vingt, où le sujet ne regardait point l’objectif. Sa biographie m’apprenait qu’elle était métisse et fille d’un grand artiste plasticien galeriste sénégalais : El Hadji Moussa Babacar SY dit ELSY, un “militant de la liberté de création impliqué dans la défense et la promotion des artistes sénégalais et africains”. Cette découverte décupla mon enthousiasme à découvrir la personnalité qui se cachait derrière ce nom et ce visage.
Malheureusement (
pour moi), mes surprises ne s’arrêtèrent pas là et je découvrais, durant les ateliers que son corps en lui-même était un terrain d’expression de l’art ! Des tatouages représentant l’Afrique, des mots pulaars “ Laambo Sy bi fouta” et surtout celui de son label : WakhartMusic. Ce constat acheva de me convaincre de ce que j’avais là juste sous les yeux, une « artiste » (elle ne le revendique point) au sens de Matt Crepinofsky: « est artiste celui qui succombe aux charmes de la philanthropie. Seul le vrai philanthrope peut espérer plonger au cœur de la sensibilité artistique par l’amour qu’il porte à l’humanité ». Oui ! Son amour pour l’art, elle le porte en elle, son regard le transmet et son corps l’exprime… librement !
Cette image de l’artiste se confirma suite aux échanges que nous avons occasionnellement eu plus tard. Je pris davantage connaissance de son travail et en restais subjugué. Au-delà de sa plateforme de médiatisation culturelle, elle cherche à mettre en lumière les artistes et la culture au Sénégal. Après 5 années d’existence, Wakh’art, dirigé aujourd’hui par Ken Aicha Sy et WakhartMusic dirigé par Moulaye WAM, réussit tant bien que mal à se frayer une place au sein du paysage culturel sénégalais voire international et parvient, petit à petit, à faire entendre sa voix. Cela se voit à travers les nombreux visiteurs et artistes internationaux qui déambulent dans leurs locaux au quartier Mermoz. Lors d’une visite, l’atmosphère et le décor vous saisissent dès l’entrée et vous interpellent à la contemplation. Les murs intérieurs sont couverts de tableaux aux images surréalistes qui accrochent le regard. Ceux de l’extérieur portent la marque originale et singulière de la créativité des grapheurs Dakarois.
Vous vous rendez compte : Ken et Wakh’art ne font qu’un. Cette jeune sénégalaise et son équipe, se battent inlassablement au quotidien pour la reconnaissance de l’art comme facteur de développement au Sénégal. Et ce, malgré les difficultés liées au financement. Et comme le confirme, Marema Bao, Directrice Générale Adjointe du Groupe COFINA : « les banques financent très difficilement sinon jamais les entreprises culturelles ». Cette assertion résume toute la difficulté que des entreprises comme Wakh’art rencontrent avoir accès aux facilités techniques, au crédit bancaire et à l’investissement pour financer leurs différentes activités. Cela est sans doute lié au caractère aléatoire de la demande des biens culturels. En effet, l’imprévisibilité d’un retour sur investissement aggravées par l’importance de la piraterie (Wakh’Art Music-WAM) effraient le secteur bancaire et rebutent les investisseurs privés.
Cette assertion quoique décevante demeure cependant la triste réalité. Du coup, cela trahit une insuffisance d’éducation artistique et culturelle. L’Afrique se singularise par la rareté des programmes d’enseignement et d’éducation artistique au sein du système éducatif public. Rares sont les écoles d’Afrique subsaharienne qui ont des programmes de partenariat avec le milieu de la culture et cela génère une « incapacité » à pouvoir pleinement apprécier (savourer) la qualité des œuvres culturelles ou du moins à reconnaître leur importance dans la construction de notre imaginaire. L’accès au financement d’entreprises culturelles sera toujours très difficile tant que l’on n’aura pas relevé ce niveau d’éducation artistique auprès de la jeunesse ou des populations africaine. Ce combat, Wakh’art le mène à travers l’un de leurs projets « L’Art à l’école » qui vise à démocratiser le goût de l’art aux plus jeunes à travers des ateliers d’écriture, de photographie… Or étant donné que l’enfant d’aujourd’hui est le père de demain, il est certain que les jeunes bénéficiaires de pareilles initiatives pourront accorder une meilleure place à la culture dans leur famille ou futures entreprises. Ce projet n’est qu’un des nombreux que défend l’organisation Wakh’art qui dispose d’un site contenant bien d’autres informations utiles et intéressantes sur la promotion de l’art au service du développement ! N’hésitez surtout pas à y faire un tour, vous n’en reviendrez pas déçu !
Au finish, le partage d’une vision commune de la culture…