A propos de l’innovation pédagogique !

De l’innovation à la pédagogie.

Le terme innovation est généralement associé à la science, la technologie et a été longuement analysé par l’économiste autrichien Joseph Schumpeter.  Le concept d’innovation, tel qu’on le connaît, s’est donc développé dans l’univers du progrès technologique. Mais l’innovation revêt aussi une dimension sociale et l’innovation en éducation en fait partie[1]. Le monde de l’éducation, tout comme celui des entreprises n’échappe pas à cette nécessité[2] d’innover pour assurer leur pérennité, en particulier dans des environnements turbulents et imprévisibles caractérisés par la digitalisation et l’internationalisation du monde. D’après Sophie Gay Anger, l’innovation vise à créer  et renouveler  les  produits,  les  services,  les  processus  et  les business models des organisations de sorte d’accroître la valeur apportée aux clients et, de plus en plus, à la société.

L’innovation pédagogique quant à elle, se traduit par l’annonce incessante de nouveaux programmes, de nouvelles méthodes et approches plus personnalisées, expérientielles ou hybrides, d’internationalisation et de mobilité accrues, de nouvelles collaborations entre les établissements, de nouveaux espaces et outils. Ces dernières décennies, on observe une croissance des investissements et financements au service de l’innovation pédagogique ainsi que l’émergence de nouveaux entrants, de nouveaux designs dominants de l’éducation et par voie de conséquence, l’impératif d’innover plus et autrement. Ces changements en cours dans l’enseignement entrainent une dissipation des repères traditionnels ainsi qu’un bouleversement des modalités pédagogiques qui obéissent désormais à un écosystème complexe. Quels sont donc, aujourd’hui, les différents types d’innovation pédagogique ainsi que les caractéristiques d’un dispositifs innovants ? Et pourquoi pourraient-on les considérés comme étant innovants ?

Quelles sont les caractéristiques d’un dispositif innovant ?

On distingue les innovations dites linéaires de celles dites matricielles. Au Canada, l’on parle d innovations cumulatives, celles importantes et l’innovation transformatrice. Pour Jean Houssaye[3], il existe quatre types d’innovation pédagogique : « celles qui réussissent au-delà de leur temps (1), celles faisant tout pour réussir mais qui échoueront toujours (2), celles réussissant contre elle-même (3) et enfin, l’innovation qui réussit mais à côté de son objet (4) ». Nous avons pu trouver 7 caractéristiques d’un dispositif innovant[4] : L’enseignement est centré sur l’étudiant (1), la formation est axée sur la contextualisation des apprentissages (2), lréduction du cloisonnement disciplinaire (3), l’évaluation est cohérente avec l’esprit de l’innovation (4), un accent est porté dans le programme sur le transfert des apprentissages (5). On y observe par ailleurs de la collégialité (6) entre les enseignants et enfin la prise en considération de l’approche-programme[5] (7).

Quelles sont les  innovations pédagogiques contemporaines ?

Comme l’atteste les rapports annuels d’Open University, de nombreuses innovations pédagogiques apparaissent ces dernières années : CLOM, Serious Game, Learning by doing, Apprentissage expérientiel, réalité virtuelle, création de programmes hybrides (Blended Learning), Fablab, etc. Ils favorisent le développement des compétences et comportements des apprenants. Même si ces processus d’innovation pédagogique ne sont pas nouveaux (depuis le milieu du 19ème siècle), il n’en demeure pas moins qu’ils sont aujourd’hui fortement disruptifs car intégrant le potentiel technologique actuellement à disposition. Pour autant, tous ne connaitront pas le succès de la même manière tel que souligné plus haut par Jean Houssaye. C’est à chaque système éducatif, en fonction de « son ADN historique » ou de son projet stratégique de s’engager vers un axe de différenciation pour une méthode ou approche pédagogique spécifique.

L apprentissage experientiel et les CLOM

La première est l’apprentissage expérientiel qui permet un ancrage plus durable des acquis et une mobilisation plus importante des apprenants dans leur processus d’apprentissage. Il est réalisé en présentiel, via des mises en application, des séquences d’approfondissements, de questionnement, des mises en situation des contenus travaillés au préalable à distance, des travaux de groupe, des études de cas, des exercices, des projets simulés ou réels, etc. Pour nous, cette innovation n’est qu’une forme évolutive de la pédagogie de projet de John Dewey qui place le projet comme une réalisation en petits groupes par division du travail et rotation dans les rôles assumés par chacun. Cette pratique de pédagogie active permet de générer des apprentissages à travers la réalisation d’une production concrète

La seconde, ce sont les CLOM qui, d’après nous, ne sont pas si nouveaux qu’on pourrait le penser. Basé sur une pédagogie coopérative qui place l’apprenant en tant qu’acteur de ses apprentissages, capable de participer à l’élaboration de ses compétences en coopération avec l’enseignant et ses pairs. L’acquisition des connaissances résulte alors d’une collaboration de l’enseignant et de l’apprenant, et des apprenants entre eux, au sein d’équipes de travail. Les MOOC tout comme la pédagogie coopérative constituent une approche pédagogique complexe qui forme l’apprenant à coopérer pour apprendre, tout en l’amenant à apprendre à coopérer. L’approche se base sur des valeurs comme le partage, le respect, l’encouragement, etc.

A quoi ressemblera l’école de demain ?

Malgré les difficultés que connaît  le  système  éducatif  pour  diffuser  les  réussites  pédagogiques  et  susciter véritablement l’innovation chez ses acteurs, de nombreuses initiatives locales et isolées contribuent  à  modifier  le  paysage  pédagogique. Avec les évolutions technologiques, sans cesse mouvantes, il est difficile voire impossible de prédire les compétences de demain. L’école de demain  se  dessine  chaque  jour  en  fonction  des  rapports singuliers que chacun de ses acteurs entretient avec le nouveau et le changement. Or, face à l’hétérogénéité croissante des publics et aux attentes de  plus  en  plus  grandes  que  la  société  fait  peser  sur  le  corps  enseignant,  la recherche  incessante  de  solutions  et  l’adaptation  continue  aux  besoins  des apprenants  mobilisent  les  capacités  d’innovation  des  enseignants[6]. Cependant, il est sûr que certaines évolutions s’esquissent déjà, accentuées par deux tendances lourdes : l’alternance des métiers  et des  environnements  économiques  caractérisés par une forte complexité et une incertitude croissante.

 

REFERENCES

[1] Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ) (2006). Rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation (2004-2005). Le dialogue entre la recherche et la pratique en éducation : une clé pour la réussite. Québec. https://rire.ctreq.qc.ca/les-pratiques-innovantes-en-education-version-integrale/

[2] Loïck Roche, Président du Chapitre des écoles de management,

[3] Houssaye, Jean. Colloque d’éducation et devenir, FESPI : “Ce qui interpelle l’école aujourd’hui”. Le 16 mars 2017, Paris. https://www.fespi.fr/ce-qui-interpelle-lecole-aujourdhui/

[4] Bédard, D., Viau, R., Louis, R. Tardif, J., & St-Pierre, L. (2005, September). Au-delà des réformes et des témoignages sur les pratiques pédagogiques innovantes. Actes du 22e Congrès de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire (AIPU), Genève, Suisse.

[5] Lison, C. (2011). Programmes innovants en formation des enseignants : perceptions, conceptions et pratiques (Thèse de doctorat, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec). Accessible par ProQuest Dissertations & Theses.

[6] Christophe Marsollier, « L’innovation pédagogique : ses figures, sens et enjeux, p. 30

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