Ce billet est la suite et fin d’un texte initial en hommage à l’homme qui m’a rendu Homme. La première partie est disponible ici. Dans celui ci, je reviens sur mes premières années universitaires et les leçons de maturité que j’ai pu y tirer à travers les difficultés que j’ai surmonté.
Dans la vie, les difficultés accélérèrent la maturité.
A l’université, les personnes qui connaissaient ma famille s’étonnaient toujours de mon mode de vie ascétique. Je ne pouvais me permettre certains plaisirs de jeunesse car je ne disposais point des moyens de mes actions. La ration mensuelle que je recevais était toujours taillée sur mesure, slim quoi ! Aucune démesure ne m’était permise. Cet étonnement était le même que celui manifesté par certains camarades de lycée, lorsque je leur révélais recevoir un argent de poche qui représentait (presque) la moitié du leur :
- Ngnaoussi, toi-ci tu aimes trop faire semblant comme si tu n’avais pas l’argent. On te demande juste quatre Parle-G de 100 FCFA et tu dis que tu ne peux pas ? me lançait l’un d’eux.
- Oui ! Mon argent de beignet n’est que 175 FCFA. Si je vous achète ces biscuits, je n’aurais plus de quoi acheter à manger durant la « Grande récréation »…
- Dis donc… arrêtes de nous embrouiller. Ta famille est l’une des plus nanties de la ville. Tu es un muna bobo, donc tu dois être gaté le feu sort seulement…
- C’est vrai ce que tu dis, Paulin, mais c’est point le cas avec moi.
- Donc tu veux dire que, nous ci, dont les parents ne sont que des débrouillards, recevons un argent de beignet qui est supérieur au tien ?
Cette question, aussi banale que paradoxale, m’avait été posée des dizaine de fois depuis l’enfance jusqu’à mon adolescence. Amis, camarades, cousins, nous n’arrivions point à comprendre ni à pouvoir expliquer cela. Notre niveau et mode de vie n’avait absolument rien d’extraordinaire. Je n’arrivais point à comprendre comment l’homme qui m’a rendu Homme (HrH) pouvait accepter de nous « punir » ainsi alors qu’il disposait largement de l’aisance financière pour satisfaire tous nos petits besoins.
Pourquoi devais-je mener une vie ascétique alors que mon père disposait largement de quoi m’offrir une vie de prince ?
Ce questionnement intérieur, qui cristallisait toutes mes frustrations, m’habita ainsi de l’enfance à l’adolescence, jusque pendant mes premières années à l’Université. Ce n’est qu’en 2013, que j’ai finalement pu donner un sens à ses actions. Ce n’est qu’en 2013, que j’ai été éclairé sur certaines de ses décisions qui jusqu’alors me paraissaient « dures ».
C’est là que j’ai commencé à comprendre que mon père était un sage assis qui voyait plus loin à l’horizon que moi debout. Ce n’est qu’à partir de 2013 que j’ai compris que mon père, en qui je ne percevais qu’insensibilité, était très sensible et préoccupé par notre destinée. Tellement soucieux qu’il avait accepté volontiers de persévérer sur la même lancée pendant des décennies, quitte à être traité d’ « aigri », « d’avare », de « radin » ou de Blek le Roc, par les membres de sa propre famille. Vous savez, les mamans aussi sont sensibles à notre destinée. Mais parfois, leur nature affective et émotive influence leur perception de la réalité.
Il m’a donc fallu attendre 2013, plus de vingt ans après le début de notre relation pour comprendre que mon père n’était devenu un « ROC » que pour faire de moi « un ROC ». De lui, j’ai appris que la vie ne nous offrira jamais tout ce dont nous avons besoin. De lui, j’ai appris que la vie est un combat ou seuls les bons soldats peuvent survivre. De lui, j’ai appris que lorsque tu craches en l’air, cela retombera, tôt ou tard sur ton visage.
Depuis l’enfance, il s’est consacré à m’entraîner et à m’armer d’un esprit de combat, de résilience et de résistance pour affronter les épreuves de la vie. Il aurait pu largement me gâter comme nous (de même que notre mère) le sollicitions, mais il ne l’a jamais fait. Il ne nous donnait que le strict minimum et rien de plus. Je ne dormais jamais le ventre affamé mais j’avais rarement plus qu’il n’en fallait.
Grâce à lui, j’ai pu découvrir assez tôt les dures réalités de la vie. Ses multiples privations ont fait de moi un économe sans pareil parmi mes pairs : aussi légère que fut mon allocation mensuelle à l’université, je parvenais toujours à me débrouiller jusqu’à la fin du mois. Qu’il ne respectât pas toujours les dates d’envoi m’a appris à ne jamais planifier sur ce qu’on ne possède pas encore. A la fin d’un mois, on se permet souvent certaines dépenses en sachant que le salaire tombera au début du suivant. Mais mon père était d’une nature imprévisible, et à maintes reprises je n’ai point reçu mon allocation mensuelle à la date escomptée. J’ai donc développé cette habitude de ne jamais mettre tous mes œufs dans un même panier et de prévoir l’imprévisible.
Aujourd’hui, je suis un « battant » au sens foningsien du terme, comme lorsque cette politicienne disait : « La vie c’est la bastonnade ». Aujourd’hui, je suis un « combattant » qui n’abandonne jamais. Aussi rudes les conditions soient-elles, je persévère jusqu’à la gare ! Aujourd’hui, je suis un « résilient ». Oui, je pense que c’est ça l’expression la plus juste qui exprime presqu’exactement l’être que mon père, ce forgeron visionnaire, a créé en moi. Très tôt j’ai du apprendre à « jongler » pour survivre et c’est grâce à ce jonglage que je suis où je suis.
Certains amis, « enfants gâtes » dont j’ai été jaloux plus jeunes, sont ceux qui m’envient aujourd’hui… On ne peut savoir gérer ce qu’on n’a pas durement acquis. Dépensiers éternels, certains sont restés dépendants de la manne familiale. Mais grâce à mon Père, je suis vite devenu Indépendant, un Battant, un Combattant, un Résilient toujours prêt à affronter les épreuves de la vie.
Cela je le dois à ELONGUE Elie Bertrand. Ce père incompris mais sage. C’est lui, HRH, l’homme qui m’a rendu Homme, à qui j’ai dédicacé mon mémoire, à lui je dédicace ces lignes, qui ne sont qu’un nano-reconnaissance des sacrifices qu’il a enduré pour faire de moi ce que je suis. MERCI !
Si toi aussi tu as un père, une mère ou un tuteur qui ressemble à HRH, je t’invite à être patient et à toujours rechercher le bon côté des choses. Tout ce qui nous arrive est Grâce. Un Père n’est jamais le fruit d’un Accident. Ne regrette jamais le père ou les parents que le Créateur t’a donné. N’envie jamais les parents des autres, la vie des autres. Apprend à apprécier tes parents tels qu’ils sont, ta vie telle qu’elle est. Les Voies de Dieu sont insondables. Il est le Seul qui sait pourquoi nous naissons dans telle famille et pas dans telle autre. Et cela prend parfois du temps pour le comprendre : comprendre qu’on ne peut tout avoir dans la vie et qu’on est toujours à la meilleure place possible. Apprenons à développer une pensée positive, et notre regard sur le monde sera différent.
Si toi aussi tu as vécu ou continue à vivre initialement une relation difficile avec un de tes parents, je t’invite à partager ton expérience en commentaire et on pourra échanger ! A+
Waouhhh Vraiment fantastique ton papa. Nos papa voient assis ce que nous ne percevons pas debout, d’où la nécessité de les écoutés. Ils sont des bibliothèque
Je te dis ! Un vieillard assis voit plus loin qu’un jeune debout. Ce proverbe a toute sa pertinence dans mon contexte. Merci