#JusticeForNoura : Noura, jeune soudanaise, mariée de force et violée, aujourd’hui condamnée à la peine de mort pour avoir tué son mari.

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   Sodfa Daaji, coordinatrice comité sur l’égalité des sexes pour AYM. Credit: Council of Europe

Sodfa Daaji est la Coordinatrice du Comité pour l’égalité des sexes du Afrika Youth Movement (AYM). Elle exprime ici l’urgence vis à vis de la situation de Noura Hussein Hammad, jeune femme soudanaise condamnée à la peine de mort par pendaison pour avoir assassiné son mari qui voulait la violer une fois de plus. Une campagne a été lancée :
Le hashtag : #JusticeForNoura.  
L’email de Daaji si vous souhaitez signer la pétition : daajisodfa.pr@gmail.com.

SDJ : Pouvez vous nous décrire la situation de Noura Hammad ?


Sodfa Daaji : Noura est une jeune femme soudanaise de 19 ans. Elle a été victime d’un mariage forcé (à l’âge de 15 ans), mais aussi de viol conjugal et de violence domestique. Au début, Noura a tenté de changer son destin en s’échappant de chez son mari pour rester avec sa tante (dans la ville de Sinnar). Elle est restée chez sa tante quelques temps, mais son père l’a convaincue de retourner chez son mari (il lui a promis que le mariage avait été annulé), la jeune Noura a été dupée.

Elle a été mariée contre son gré. La cérémonie de mariage a eu lieu à Khartoum. Les trois premiers jours, elle a refusé tout rapport sexuel avec son mari. Son refus a amené son mari à solliciter son frère et ses cousins… puis le 4ème jour, il l’a violée alors que les frères et les cousins la retenaient par terre de force.

Le lendemain, il a essayé à nouveau de la violer mais elle a pris un couteau et lui a dit : “tu meurs ou je mourrai ce soir“, ce à quoi son mari a répondu : “voyons qui mourra ce soir”. Noura l’a alors poignardé deux fois et s’est échappée pour aller chez ses parents. Le mari de Noura est mort. Ensuite, après avoir admis le crime qu’elle avait commis, son père l’a emmenée au poste de police.

Noura a pu raconter cette scène lors d’une conversation avec l’activiste et directeur de SEEMA, l’organisation qui suit directement le cas de Noura au Soudan (SEEMA est une organisation non gouvernementale qui travaille avec les victimes et les survivants de la violence basée sur le genre).

En somme, Noura est victime de violence basée sur le genre, c’est à dire de violence due à l’inégalité entre les femmes et les hommes.

SDJ : Quel est le sort probable pour Noura Hammad ?

Daaji : Sa situation est difficile parce-que cela se passe au Soudan. Il faut donc prendre en compte différents éléments. Tout d’abord, la situation des droits humains au Soudan. Cette affaire a été rendue publique quelques jours seulement avant l’ouverture du procès, et la principale raison à cela, c’est que le gouvernement réduit continuellement au silence la presse, qui n’est pas libre. Ensuite, le Soudan est soumis à la charia et il n’y a pas beaucoup d’espace pour les juges en matière d’interprétation pour défendre le droit des femmes.

Noura a été inculpée en vertu de l’article 130. Bien que le viol conjugal soit reconnu dans les textes de loi au Soudan, il semble qu’il soit malgré tout courant. Le problème c’est que l’ensemble des circonstances qui entoure ce drame n’a pas été pris en considération. Un autre point que je voudrais souligner est le fait que Noura est une femme. Nous faisons pression pour que la perception des femmes dans la société soudanaise change. Mais le problème des femmes dans cette société demeurera tant le viol peut être justifié comme un acte “normal” dans un rapport sexuel entre mari et femme.

Noura a défendu son droit en tant que jeune fille mais son âge n’a pas été pris en considération. En revanche, ce qui a été mis en avant, c’est le fait qu’une femme ose dire NON à son mari. Ce qui est grave c’est de penser que, parce-que Noura a, d’une certaine manière, brisé l’ordre établit, et parce-qu’elle est allée à l’encontre de ce destin qui avait été écrit par ses parents, elle est mal vue. Au Soudan, le mariage est possible dès la puberté des femmes (c’est à dire dès qu’elles ont leurs règles, donc parfois très jeunes, entre 10 et 13 ans). La culture du pays est dominée par le phénomène des mariages précoces.

Autre chose, cette fois-ci à propos de la famille du mari. Selon la charia, on peut dire : “vous pouvez payer ou vous pouvez mourir”. La famille du mari étant riche,  ils n’ont pas besoin de l’argent de Noura pour compenser leur préjudice. La famille de son mari a donc refusé l’option de la gracier et a rejeté la compensation financière. Ainsi, lors du dernier procès (le 10 mai 2018) ils ont choisi de condamner Noura à la peine de mort.

Les avocats de la famille du mari font pression en insistant sur l’aide économique que la famille de Noura a reçue pendant les années du mariage. Nous comprenons donc à travers ce drame comment Noura était et est perçue : elle est un objet, vendu par sa famille, dont le devoir était uniquement d’obéir à son mari.

L’équipe juridique dispose de 15 jours pour faire appel du verdict de peine de mort. Avec la médiatisation de cette affaire, nous avons malheureusement subi beaucoup les pressions ces derniers jours, mais peu importe. Le plus important aujourd’hui c’est de prendre conscience qu’il y a urgence, car force est de reconnaître que le temps est très court et qu’il nous sera difficile de sauver la vie de Noura dans les 15 jours. Pour ce faire, nous devons atteindre le président soudanais, mais son très mauvais bilan en matière de droits humains ne nous incite pas à être optimistes pour Noura.

SDJ : Comment les gens peuvent-ils faire pour aider Noura ?

Daaji : Nous essayons de faire du bruit dans le but d’être entendus par les Nations Unies, l’Union africaine et les chefs d’État africains, car ce sont eux qui sont en contact avec le président soudanais. Nous avons aussi un hashtag officiel #JusticeForNoura et une pétition est en ligne sur Avaaz.com (https://goo.gl/RTEXhj) et Change.org (https://goo.gl/KifZmd)

Par ailleurs, toute personne est libre d’adhérer à la PAGE FB officielle (https://goo.gl/rfAzGD ) et/ou de nous rejoindre sur twitter @christianovich2 @sodfadaaji @ENoMW @AfrikaYM @badreldins

Enfin, nous souhaitons adresser une lettre au Haut Commissaire du OHCHR. C’est pourquoi, nous demandons aux organisations de défense des droits humains de lire la lettre et de la signer avec le nom de l’organisation et le nom d’un représentant de l’organisation. Les particuliers peuvent également s’inscrire en nous fournissant une courte biographie, leur nom complet et leur pays d’origine. (Pour recevoir la lettre, n’hésitez pas à me contacter à daajisodfa.pr@gmail.com).

J’ai appris au cours de ces deux derniers jours que le pouvoir nous appartient, si nous essayons juste de travailler ensemble sans frontières. Nous avons une voix ; il nous suffit d’apprendre à l’utiliser pour être entendus.

Merci beaucoup pour cette occasion et pour avoir pris le temps de parler de Noura.

SDJ : Merci pour cette opportunité et pour votre temps, Sodfa.

 

Note éditeur: Il s’agit ici de notre traduction française d’une interview accordée à Scott Jacobsen sur l’urgence de se préoccuper de la situation de Noura Hussein Hammad.

 

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