Y’a des moments où on a honte de son pays !
Comment concevoir qu’en plein 21ème siècle, des femmes puissent encore mourir dans des hôpitaux publics, en présence de médecins, tout simplement parce qu’elles ne possèdent pas les fonds pour payer leurs soins ? Imaginez le désespoir de cette femme qui voit sa sœur agoniser sous ses yeux? Imaginez la peur et la terreur qui l’habite, alors qu’elle observe la vie s’échapper silencieusement de sa sœur venue donner la vie? Est-ce que c’est cette terreur qui l’a dynamitée, l’a métamorphosée et l’a hypnotisée au point de se mettre à opérer sa tante à l’aide d’une lame ? Imaginez la douleur de Monique, déjà inconsciente, alors qu’elle était déchirée par une lame, au bout de la main tremblante de sa nièce ?
Imaginez la douleur lancinante qui frappa cette nièce de voir sa tante et ces deux bébés innocents mourir sous ses yeux ? Est-ce un crime d’être pauvre ? Choisis-t-on de naître dans une famille pauvre ou dans une famille nantie ? L’humanisme a-t-il disparu de nos sociétés, pour céder ainsi la place au matérialisme ? L’intérêt doit-il supplanter l’être ? Où sont passés les valeurs de solidarité et de partage reconnues par les cultures africaines ? La société camerounaise et le monde en général sont-ils totalement pervertis ?
J’ai mal de savoir que l’argent a autant pris le dessus sur nos valeurs éthiques et morales. La vie est une valeur suprême et sa préservation n’a pas de prix. Que les médecins qui ont refusé de prendre soin de cette femme enceinte en détresse aient honte! Qu’ils soient même destitués de leur corps de métier, car la déontologie médicale ne permet pas ce genre de traitement. Ils ont trahi le serment d’Hippocrate pour devenir des HYPOCRITES !
Ils tenteront de trouver des excuses et rejetteront tout sur l’Etat. Mais comme l’a déclaré André Brink à propos de la violence ségrégationniste des noirs sud-africains : la douleur n’a point de prix, ni d’excuse, ni de justificatif. Aussi lourde que pourra être la condamnation attribuée au corps médical de l’hôpital Laquintinie (si à jamais cela était fait), cela n’effacera point la peine de cette famille. Cela n’effacera point la haine de cette nièce vis-à-vis de l’Etat, vis-à-vis de la société, vis-à-vis des Hommes.
La mondialisation ne fait qu’accroître les disparités socio-économiques entre les individus. Pendant que ma sœur Monique Koumate meurt ainsi, certaines se permettent de gaspiller les deniers publics en payant des courses de taxi à 400$, en fréquentant des universités internationales dont les coûts proviennent des caisses nationales… Je ne peux point énumérer ici les dérives économiques réalisées par les concessionnaires camerounais qui sont en partie indirectement responsables de cette tragédie. Mais étant donné que le poisson ne pourrit qu’en passant par la tête, nous ne pouvons que nous retourner vers le Chef de l’Etat afin de lui demander des comptes.
Que sont devenus les programmes de gratuité pour l’accouchement qui ont pendant longtemps été vantés sur nos médias ? Existe-t-il des mesures d’accompagnement, d’évaluation et de suivi des différentes politiques sanitaires lancées par le gouvernement ? Que des lois puissent être instituées pour punir très sévèrement les médecins qui manqueraient à leur éthique professionnelle. En Allemagne par exemple, on retrouve des pancartes régulièrement mises à jour qui recensent le nombre de morts attribué à un médecin. Ces pancartes sont fixées à l’entrée du Bureau de chaque médecin afin de les conscientiser et amener le citoyen à se diriger vers un médecin en connaissance de cause.
Vivement qu’un programme d’assurance maladie national puisse être mis sur pied. Le Régime d’Assurance Maladie Universel (RAMU) qui permettra de mutualiser les efforts pour venir en aide aux personnes nécessiteuses puisse être rapidement mis en place. La médecine est un secteur clé pour le progrès de notre pays vers l'”émergence”. Quatre des objectifs du Millénaire pour le Développement y sont consacrés. L’on devrait être très sélectif et méticuleux dans le choix de nos médecins car ils ont entre leur main, la santé et partant une part du bien être de toute la Nation. Des critères d’évaluation éthique doivent être rigoureusement mis en place et surtout suivi.
À l’instant où j’écris ce billet sur mon téléphone, je ressens une profonde douleur qui se mue en révolte muette au fond de mon cœur et pour une fois j’ai Honte de mon pays. Alors vivement que de pareilles tragédies ne se reproduisent plus !
Cette situation deplorable, effroyable et amère m a laissé sans mot. Je ne sais plus quoi dire, je laisse tous au plus haut..
Avant de faire appel à une quelconque justice divine, nous ne devons perdre de vue les institutions de justices crées par l’Homme. Le traumatisme subit par la jeune fille est indélébile. Quoique la justice ne puisse entièrement “réparé” le mal qui a été connu, l’on doit s’assurer que les coupables soient très sévèrement punis. Or c’est pas très souvent le cas au Cameroun.