Deux pays au paysage culturel contrasté !
Si vous faites un tour au Sénégal, vous serez immédiatement frappé par la place qui est accordée à la culture ! La culture occupe une place centrale dans le développement et le rayonnement du Sénégal ! Le gouvernement et les populations l’ont compris et la politique de gestion du patrimoine culturel en témoigne ! Le Sénégal est l’un des rares pays d’Afrique subsaharienne a disposé d’une politique culturelle assez bien structurée ! C’est vrai que mes frères sénégalais n’en sont pas satisfaits mais c’est normal, on n’est jamais prophète chez soi ! C’est au contact de la politique culturelle camerounaise qu’il comprendrait l’écart, non ! je dirais plutôt le fossé qui existe entre nos deux pays ! C’est vrai que de sérieux efforts et réformes devraient encore être réalisées mais le visage de la culture y est moins lamentable qu’au pays des lions indomptables.
Cette place accordée à la culture au Sénégal a été initiée par le Poète-Président Senghor ! Ce chantre de la Négritude va lancer les bases du développement culturel du pays de la Teranga et ses successeurs vont s’inscrire, à des degrés divers, dans cette dynamique. Le plus récent ayant marqué les esprits est sans doute Abdoulaye Wade. Un ami sénégalais, Amidou Diallo, me résume la différence entre ce dernier et l’actuel président en ces termes :
“Abdoulaye Wade s’intéressait davantage à la gestion de la culture qu’à celle du politique alors que Macky Sall se préoccupe plus de la gestion du politique que de la Culture”
En effet, des mégaprojets culturels et structurels ont été engagé et matérialisés sous le mandat de Maitre Wade : le monument de la renaissance Africaine, l’organsiation du 3èmeFestival mondial des arts nègres (FESMANIII), et l’on ne saurait oublier les « sept merveilles » architecturales qui vont former le Parc culturel de Dakar : le Grand Théâtre National, l’Ecole des Arts, l’Ecole d’Architecture, les Archives nationales, la Maison de la Musique, la Bibliothèque nationale et le Musée des civilisations noires (idée originale de Senghor !)…Et Macky Sall ne ferait que poursuivre les projets initiés par son prédécesseur.
Quoiqu’il en soit, on ne peut qu’être fasciné de découvrir des pans de l’histoire sénégalaise à travers des monuments, sites historiques, musées, centres culturels qui foisonnent au sein de la capitale politique Dakar. On en retrouve à chaque grand carrefour : des noms de hautes personnalités comme nom de rue, des statues de héros, des lieux commémoratifs, des graffitis et bien d’autres… Tous ces éléments évidemment contribuent à embellir le paysage urbain et séduisent le touriste que je suis. Tel est également le cas dans les pays Européens : En France, chaque quartier a son histoire, les ruelles portent le nom des personnes ou évènements marquant du lieu et des statuts ou espaces commémoratif existent dans chaque quartier. Tel est aussi le cas au pays des Pharaons où les bordures des routes sont couvertes par de très belles peintures rupestres, fruit de l’imaginaire social égyptien… Quand on découvre l’importance que ces pays donnent à la culture considérée comme facteur de développement et de rayonnement, la séduction laisse plutôt un gout amer ! Un gout de colère ! Un gout de frustration ! D’étonnement ! D’incompréhension !
Quand les chiffres parlent d’eux mêmes…
Oui comment se fait-il que nos Etats, surtout d’Afrique Noire francophone, continuent à considérer la culture comme le pilier le moins important pour le développement ou « l’émergence » s’agissant du Cameroun ? Les textes prévoient de très belles dispositions et règlementations mais sur le terrain c’est un capharnaüm total ! Ces ministres se plaisent à aller passer leurs vacances ou faire du tourisme à l’étranger, à y dépenser des sommes vertigineuses et faramineuses pour acheter des souvenirs de voyage ou s’offrir de « petits plaisirs ». Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, ce sont les premiers à voter pour l’allocation d’un minuscule budget au ministère de la Culture ! Le budget alloué au ministère de la Culture et de la Communication au Sénégal est de 14.635.774.000 FCFA pour l’année 2016, une hausse de deux milliards comparés à celui de 2015. Au contraire celui du Cameroun, déjà de très loin inférieur à celui du Sénégal comme de bien d’autres pays africain, est en baisse passant de 4, 072 milliards de Fcfa (2015) à 4,059 milliards en 2016. Avec cette enveloppe budgétaire, le Ministère des arts et de la culture camerounaise occupe la 36ème pour ne pas dire le dernier parmi les ministères au Cameroun. Et celui des Travaux publics trône au sommet de la pyramide ! Quel paradoxe !!! Oui ! C’est un véritable paradoxe puisqu’il faut un sensibilité ou une éducation culturelle des citoyens pour qu’ils puissent préserver et conserver ces infrastructures qui seront construites ! Aller faire un tour au Cameroun: visitez les Archives nationales, le Musée national, la Bibliothèque nationale… Leur état est… pitoyable !!!
Lorsqu’on compare notre budget pour la culture avec celui du Sénégal, on ne peut que s’étonner toujours car nous disposons d’un budget très supérieur à celui du Sénégal : 4234,7 milliards Fcfa pour le Cameroun en 2016 contre 3 022 milliards de F CFA pour le Sénégal. Il ne s’agit donc pas d’un problème de moyens mais de volonté politique et surtout même de prise de conscience politique ! Or la prise de connaissance précède toujours la prise de conscience et la révolte : d’où la nécessité de passer par une bonne éducation artistique et culturelle de la jeunesse africaine pour une meilleure sensibilité culturelle. Ce combat, de nombreuses associations sénégalaises, camerounaises ou internationales le mènent ! Et vous ? Avez-vous reçu une bonne éducation artistico-culturelle ? Savez vous appréciez la valeur d’une œuvre d’art ? Reconnaissez vous de la bonne musique ? La valeur d’un musée ???
Un problème d’aliénation culturelle ?
Nos dirigeants ne prennent pas la pleine mesure de la culture dans la promotion du tourisme ! Autre secteur à l’abandon sur lequel nous ne nous attarderons point ici ! Mais nos gouvernants devraient savoir que la plus terrible et redoutable des dominations n’est point militaire mais culturelle. Le psychanalyste Albert Camus dans ses études sur les effets de la colonisation dresse le portrait du colonisé et démontre avec acuité que la plus grande réussite du colonisateur était d’avoir pu coloniser et emprisonner non pas nos corps mais notre pensée. Cette prison mentale de l’esclave vis-à-vis de son bourreau est la plus dangereuse puisqu’il préfèrera toujours inconsciemment la captivité à la liberté ! Albert Camus tout comme Albert Memmi, analyse « l’aliénation » du colonisé, et plus particulièrement du Noir antillais. Pour le jeune psychiatre martiniquais, cette aliénation est inhérente au système colonial. « Le colonialisme exerce une violence psychique, son discours : le colonisé est “laid”, “bête”, “paresseux”, a une sexualité “maladive”, explique la politologue Françoise Vergès. Et pour Fanon, “le colonisé finit par intégrer ces discours de stigmatisation, le sentiment d’être inférieur, il finit par mépriser sa culture, sa langue, son peuple, il ne veut plus alors qu’imiter, ressembler au colonisateur“.
Cette image de la puissance de la culture se mesure davantage à travers le cas des Etats Unis ou de la France. Regardez les performances des athlètes américains lors des récents J.O de RIO 2016 ! Qui ne connait le Cinéma Hollywoodien et ses héros ! Les superstars planétaires de musique hip hop ou RnB américaine : Beyoncé, Chris Brown, Usher, Rihanna… dont les clips se vendent comme des bouchées de pain… Je ne saurais épuiser ici les éléments culturels qui constituent la première force de pouvoir des Etats Unis ! La France, quant à elle, a largement diffusé et imposé ses idées et ses valeurs par le biais des arts et de la littérature. En effet, comme le dégageait Pierre Angoulvent :
« Le livre est le support attitré de l’idéologie d’un pays, son meilleur ambassadeur spirituel… Il est aussi le véhicule naturel des technique en honneur dans son pays d’origine, l’apologiste de ses mœurs, l’historiographe de ses gloires. Il prépare le terrain à l’exportation des produits nationaux, il sert d’introduction aux hommes et aux choses » (L’édition française au pied du mur, Paris, 1960, p. 70)
Nos dirigeants refusent obstinément à comprendre que le développement est d’abord endogène avant d’être exogène. Comme nous l’enseignait d’ailleurs mon Très Cher Professeur Joseph Ki-Zerbo qui disait : On ne développe pas, on se développe. Je m’interrogeais même dans un autre article pour savoir si nous ne refusions pas plutôt le développement au regard de nos attitudes et actions. Le « développement » est d’abord un problème de mentalité lié au culturel, au cultuel et au spirituel avant d’être économique car c’est la culture qui façonne notre manière d’être, notre savoir être, savoir-faire. Notre vision du monde se construit ou évolue en fonction des échanges interculturels. D’où l’importance des voyages. C’est ce que le Sénégal a légèrement compris au regard de la gestion du patrimoine culturel qu’on y observe ! On ne peut que souhaiter que bien d’autres pays d’Afrique Subsaharienne et surtout Centrale, prennent le pas !
trés bon billet. en avant vers le developpemenr.
Merci,
Mais je préciserai en avant vers un développement “endogène”.